lundi, mars 12, 2007

Affaire "ULB-Ramadan"
Carte blanche publiée dans Le Soir du 14 mars 2007:

Depuis quand le Librex tend-t-il l’autre joue ?
Une polémique déchire l’Université Libre de Bruxelles. Le Recteur interdit l’organisation par le Cercle des Etudiants Arabo-Européens d’un débat offrant une tribune à Tarek Ramadan.
Une pétition de soutien au Recteur fait face à une série de cartes blanches, notamment du Cercle du Libre Examen, dénonçant l’atteinte par l’Alma Mater à la liberté d’expression et souhaitant ouvrir un débat sur une laïcité « frileuse ».
Le Librex se trompe de combat en défendant au nom d’un principe essentiel le prêcheur d’un discours dangereux et rétrograde, à l’égard des femmes d’abord mais de la société dans son ensemble. La maison du libre examen ne peut être l’hôte d’un discours dogmatique.
Je me souviens, au contraire, d’un Librex pas si éloigné qui empêcha le Cercle de droit d’inviter Jean-Marie Le Pen à prendre la parole sur le campus, de manifestations barrant l’accès au Conseil d’administration à un étudiant cadre du Front National, s’opposant aux expulsions violentes de Roms, mais aussi menant le combat pour la libéralisation de l’avortement et de l’euthanasie, abordant de front le débat de l’adoption par des couples homosexuels.
En fait, un Librex qui s’engage dans la société, défendant ses valeurs d’humanisme, de tolérance, de progrès soit tout ce que peut représenter le message du Semeur : « La Science immortelle éclaire la Raison ». Mais aussi un Librex s’opposant avec vigueur à l’obscurantisme, l’exclusion, la fermeture d’esprit.
Le libre examen est un combat historique, héritier des Lumières, garant de notre histoire et de notre avenir, fondateur de la Belgique, né au dix-neuvième siècle. Il est le socle de la séparation de la religion et de l’Etat, du refus du dogmatisme et de l’argument d’autorité, de la remise en question perpétuelle, de la confiance dans le changement.
Le Librex est un cercle d’engagement, et c’est avec déception et colère que je constate aujourd’hui que cette institution souffre des maux qu’elle a longtemps reprochés aux politiques. Il doit faire fi de ce sentiment de culpabilité qui le paralyse. A force de tout tolérer, de ménager les susceptibilités et surtout en prétendant défendre la liberté sans limites, on se fourvoie.
La liberté n’est pas une valeur suffisante à la construction d’une société juste si ses corolaires de respect, d’égalité, d’humanisme et de solidarité sont bafoués. Cette société repose sur l’équilibre de ces valeurs indispensables à la défense des libertés et de l’épanouissement de chacune et de chacun.
La génération d’étudiants que représente le Librex, et dont je me sens proche, aura-t-elle le courage d’affronter les questions existentielles et sociétales auxquelles nos aînés n’ont pas su ou pas voulu apporter de réponse ?
Où sont passées les notions d’éducation, de respect de l’autre, le sens de l’engagement ?
Tolèrera-t-on la violence croissante dans notre société ? Comment lutterons-nous contre la régression ? Comment réussirons-nous l’intégration afin que chacun se sente chez soi en Europe et que les cultures présentes deviennent une véritable richesse pour tous ?
Quand abandonnera-t-on les concepts racoleurs mais qui ont démontré leur inefficacité sur plusieurs générations ? Le discours sur l’égalité des chances n’a jamais été concrétisé alors qu’il doit garantir l’épanouissement de chacun.
D’autre part, où en sommes-nous pour que le Recteur de l’ULB décide de s’adjoindre une Conseillère « pour les projets Valeurs» ? Le Librex va même plus loin en lui attribuant le titre de « Conseillère pour la défense de nos valeurs ». Le choix des mots n’est pas hasardeux. Si tout allait pour le mieux, la fonction n’existerait pas, ou l’on aurait choisi les termes de « promotion du Libre examen ». Nous devons reconnaître qu’une partie croissante de notre société adopte une attitude défensive. Nous passons par une grave crise de confiance en l’avenir. Plutôt que de critiquer le symptôme, j’attends du Librex qu’il se pose la question du pourquoi, afin qu’il contribue à répondre à la question du sens.
Ce que l’on peut attendre du Librex, c’est de reprendre le flambeau, que la jeunesse nous redonne confiance en l’avenir. Qu’elle porte un message positif, qu’elle défende les valeurs qui garantiront un avenir meilleur pour tous.
Réveillez-vous ! La majorité, c’est vous !

Jonathan Biermann
Ancien Président du Cercle du Libre Examen (1999-2000)
Ancien Président de la Commission culturelle de l’ULB (2001-2003)